mardi 19 janvier 2016

Le glacier de l'Astrolabe

Deux jours avant le grand départ, j’ai eu l’occasion (et la chance) de pouvoir accompagner Stéphane, l'un des deux glacio de ma mission, sur une manip du programme DACOTA. Ce programme glacio étudie l’avancée du glacier de l’Astrolabe chaque année, grâce à un réseau de stations GPS implantées sur le glacier. Les manips consistent surtout en la maintenance, et la réimplantation si besoin, des stations qui auraient pu bouger, s’enfoncer ou disparaître sous la neige pendant l’hiver. 

Le glacier est parcouru de failles impressionnantes qu’on n’a pas l’habitude de voir l’hiver sur la banquise. Lors de la marche, qui s’effectue encordés, la vigilance est de mise !






A DDU, nous n’avons pas la possibilité d’accéder au glacier à moins d’accompagner les glaciologues lors de ces rares manips. Je suis donc super contente d’avoir pu y aller, ça aura clôturé en beauté mon séjour en Terre Adélie.

[Photos: Stéphane Oros]

lundi 18 janvier 2016

La campagne d'été

Après ce long silence qui dure depuis octobre, je prends enfin la peine de vous raconter ce qu’il se passe à DDU. 

L’Astrolabe est arrivé le 1er novembre (R0) et depuis, beaucoup de choses se sont passées. La campagne d’été est comme toujours une période chargée, rythmée par les rotations (=départs et arrivées) et qui passe à une vitesse folle ! 

A R0, arrivée du 1er hélico sur la base, je verse une petite larme sur le toit du séjour, où quelques uns d’entre nous s’étaient perchés, guettant son arrivée. Tellement étrange de revoir cet engin, pourtant si familier pendant la campagne d’été, après ces 8 mois de calme et d’isolement. Avec l’hélico, le courrier tant attendu ! 


Il y a débâcle cette année ! La banquise qui faisait de la résistance depuis 2 ans s’est enfin morcelée et a fini par partir avec l’aide de quelques bonnes tempêtes. L’Astrolabe, à 10km en bord banquise à R0 et au bout du Lion à R1, est enfin amarré à quai à R2 ! Les poussins d’empereurs vont à l’eau pour la première fois juste sous nos yeux et les adélies s’en donnent à cœur joie. Des images qu’on n’avait pas pu voir l’été dernier ! Le décor a complètement changé, c’est superbe mais un peu déroutant. 





Avec R1, une bonne partie de notre mission s’en est allée (et tous les nouveaux sont arrivés), avec R2 nous serons 10 à partir... Seuls 4 rescapés de la TA65 resteront à DDU pour une rotation supplémentaire. Le départ de R2 est prévu (ce sont des bruits de couloir…) pour demain matin, soit dans quelques petites heures… 


J’ai encore 2 ou 3 choses à vous raconter (une super manip sur le glacier avec les glaciologues, un petit tour en Seatruck avec les pêcheurs…) mais je ne sais pas si j’aurais le temps. En tout cas si vous voulez continuer à suivre les péripéties de DDU, ci-dessous les liens vers les blogs TA66 existant à ce jour, ceux de Benjamin le glaciologue et d’Anne-Gaëlle la Lidariste. 

http://enterreadelie.wordpress.com/
http://theplacetoben.wordpress.com/

Il ne me reste plus qu’à souhaiter à la TA66 un super hivernage ! Au moins aussi réussi que le nôtre, ahah ! ;) 

[Photos: Stéphane Oros]

samedi 16 janvier 2016

Balloons

Quoi de mieux, pour souhaiter l’anniversaire de mon papa ayant hiverné ici en tant que météo, qu’un lâcher de ballon personnalisé? 

Ces ballons météo, gonflés à l’hélium, aident à l’élaboration des prévisions météorologiques car ils relèvent la température, l’humidité, la vitesse et la force des vents tout en atteignant de hautes altitudes. Dans le monde, les lâchers de ces ballons s’effectuent généralement 2 fois par jour, à 0h TU et 12h TU. A DDU, il n’y a qu’un seul lancer par jour, à 9h00. 

Caractéristiques de mon lâcher, le 20411ème ! :

Altitude atteinte : 13953 mètres
Température minimale : - 66°C
Vent max. : 52 kt à 10161 mètres
Vitesse ascensionnelle : 4.5 m/s
Distance oblique : 29km

Et c’est justement sous cet abri météo, dans lequel on gonfle le ballon avant de le lancer, que le premier poussin d’Adélie a été vu, le 16 décembre aux alentours de 23h (c’est Mireille qui a entendu les piaillements)!





[Photos : Clément Cornec]

mardi 6 octobre 2015

La balade des Caps

Dimanche 4 octobre. Steph (glacio), Romain (chaud-froid), Julien (magne-sismo) et moi partons pour une rando à l’itinéraire mitonné aux petits oignons... la balade des Caps !

On passe par Gouverneur puis direction la 1ère étape : Cap Odile. C’est toujours aussi joli (cf. mon article de l’été dernier) et on prend la pose devant la glace qui a gardé des traces du continent. 


La suite, c’est Cap Géodésie. Plus sympa l’été que l’hiver mais on y fait néanmoins une halte pour pique-niquer (ça faisait longtemps!), écouter la glace qui travaille dur à cet endroit et espionner discrètement les 23 phoques de Weddell qui se prélassent non loin de là (parmi lesquels des femelles en fin de gestation).



Après Cap Géodésie, on arrive dans une zone merveilleuse : galerie de sculptures de glace, énorme éboulement aux allures de taupinière géante, bergs incrustés de galets… Cette zone, jusqu'à maintenant inexplorée par notre mission, a forcément un nom donné par les précédents hivernants (Pierre, Alban, Philippe, Ay, vous savez?), mais en attendant, entre nous, on la nomme Fontainebleau, la taupinière et le mur d’escalade.





Nous sommes à environ 10km de la base et après avoir flâné un peu dans cette zone comme on flânerait dans un musée, on file vers les îles Fram ! 

Last but not least… en arrivant à Fram: une dizaine de phoques dont des phoques crabiers (une espèce qui se reproduit dans le pack et qui n’est que visiteuse à DDU) ET un veau (=bébé phoque). La naissance semblait toute récente. Cette rencontre avec le 1er veau de l’archipel a bouclé la journée de la plus belle façon qui soit! 



Le retour, un peu moins sympa, 8.5km tout droit, dans la neige qui s’enfonce, sans reliefs ni îles étapes pour se repérer… mais avec suffisamment de temps pour penser à notre prochaine excursion !

[Photos : Stéphane Oros]

jeudi 10 septembre 2015

Coquillages & crustacés...

Ramasser des coquillages ou des oursins à DDU ? Oui, c’est possible ! 

Après la visite quotidienne à la manchotière, petit détour par l’île Rostand autour de laquelle la banquise renferme bien des surprises : des organismes marins pris dans la glace superficielle… 

Echinodermes (oursins "réguliers", oursins-cœur et étoiles de mer), mollusques (gastéropodes et bivalves), algues, éponges ou encore pycnogonides (plus rare), ces organismes étranges dont le tube digestif occupe une partie des longues pattes. Seuls les organismes assez gros sont retrouvés sur la banquise, on parle de macrobenthos (=ensemble des organismes aquatiques vivant sur le fond et dont la taille est supérieure à 1mm), les petits organismes se décomposant sûrement plus vite lors de leur exposition. 

Ces organismes peuvent se retrouver là pour plusieurs raisons, les mouvements verticaux de la glace ou encore laissés en échouage par les manchots.

Alors, pas besoin de mer ou de plage de sable fin, on s'y croirait n'est-ce pas?? (.....)








Petit clin d’œil à Jéjé, chef plongeur du programme Revolta (étude des effets de l'acidification sur les organismes benthiques).
Essayage d'une combi sèche, campagne d'été 14-15.

mercredi 9 septembre 2015

Piou piou piou: la suite!

Les rapts


Un poussin qui dépasse un peu trop de la poche incubatrice de son parent, un poussin éjecté de la poche après une chute de l’adulte, un poussin qui commence à faire ses premiers pas seul sur la banquise… Autant de situations qui peuvent conduire à un événement de « rapt ». 

On est en août, les poussins ont bien grandi mais ont toujours besoin de soins parentaux et certains adultes, en échec, arpentent la colonie et tentent de voler ces poussins… 
A cette période de l’année, plusieurs dizaines de rapts peuvent être observées en 1h passée à la manchotière. 



Généralement, lorsqu’un manchot se jette sur un poussin pour le voler à son parent, les manchots inemployés des alentours ne tardent pas à se joindre à la mêlée, ce qui peut faire des groupes assez impressionnants de plusieurs dizaines d’individus. Le poussin peut d’ailleurs mourir écrasé par les manchots qui se battent. Parfois, le parent réussi à récupérer son poussin indemne, parfois c’est un autre qui repart avec. 

Il faut savoir que dans la plupart des cas, le voleur finira par abandonner ce poussin qui n’est pas le sien… Il nous est arrivé de voir ce genre d’abandon suivi à nouveau d’un rapt, l’avenir d’un poussin kidnappé est très incertain ! 



On peut d’ailleurs se demander quelle est l’explication d’un tel comportement. En effet, les kidnappeurs vont dépenser de l’énergie pour élever un poussin qui ne leur est pas apparenté... En 2006, des chercheurs ont testé l’hypothèse selon laquelle ce comportement de rapt était influencé par le taux élevé de prolactine, une hormone de soin parental. Lors de cette étude expérimentale, le taux de prolactine de certains individus a été artificiellement abaissé par administration d’un inhibiteur. Ces individus traités ont effectué moins de tentatives de rapts que les non traités (Angelier et al., 2006). 

La prolactine est généralement produite suite à une stimulation par le poussin, or chez le manchot empereur, le taux de prolactine n’est pas ou peu influencé par le poussin et il est maintenu élevé pendant toute la période de reproduction. Ceci serait une adaptation leur permettant de rester impliqués et d’avoir l’envie de revenir à la colonie après de longs trajets et séjours en mer (sans contact avec le poussin). Chez les individus en échec de reproduction, ce taux est également maintenu élevé, ce qui pourrait expliquer leur obstination à vouloir un poussin. 


Le comportement de rapt pourrait donc être une conséquence de l’adaptation des manchots empereurs à leurs conditions de reproduction particulières et hors du commun.



L’émancipation


A l’âge de deux mois, le poussin s’émancipe thermiquement : il a assez de duvet pour rester hors des pattes de ses parents. Les poussins émancipés se regroupent pour former des crèches, au sein desquelles ils se tiennent plus ou moins serrés selon les conditions météo (+ font la sieste et se chamaillent sans cesse). Lors de mauvais temps, ils forment de véritables tortues comme leurs parents! 

A partir de l'émancipation du poussin et du fait de sa demande alimentaire croissante, les deux parents s'absentent simultanément pour aller chercher de la nourriture en mer. Ils ne séjournent alors à la colonie que le temps nécessaire au nourrissage du poussin qui se fait le plus souvent à l'écart des autres oiseaux et des crèches. Le couple ne se croise alors que très rarement pendant cette période. 

Dans notre colonie de Pointe Géologie, la première émancipation a eu lieu le 20 août et la première crèche observée le 29. Une semaine plus tard, il y avait déjà 1000 adultes de moins dans la manchotière.




[Photos: Stéphane Oros]

mercredi 2 septembre 2015

Des citrons et des hommes

Quelques infos, sans manchots, sur la vie de tous les jours à DDU. 

Le service base


Le « service base » est effectué 2 ou 3 fois par mois par chacun et chacune d’entre nous. Lorsque vous êtes de service base, en binôme avec un autre pour la journée, vos tâches sont les suivantes : 

De 8H à 12H (au séjour) : Nettoyage de la table du petit déjeuner, de la vaisselle, du sol, des sanitaires, lessive de torchons, aide en cuisine (pour de l’épluchage de légumes la plupart du temps), vider les poubelles, remplir l’incinérateur avec les cartons si c’est un jour de feu (1 jour sur 2), mettre la table pour le repas, déneiger…

A 12H : Service des plats pendant le repas puis vaisselle ensuite évidemment. 

A 16H (au 42, le dortoir) : Chacun prend un étage. Nettoyage du sol et des salles de bains. 

Vers 18H30 (au séjour) : Mettre la table pour le diner puis assurer le service pendant le diner qui a lieu à 19H15 en semaine et à 19H30 le samedi ! 

Au début de l’hivernage, nous avons tous été mobilisés une demi-journée pour Le Grand Nettoyage. On le fera de nouveau juste avant l’arrivée du bateau, avant de rendre les clés en quelque sorte… 




Les manips vivres


Les « manips vivres » ont lieu tous les samedis, juste après le repas de midi. Le but de celles-ci est de transporter les vivres nécessaires pour la semaine à venir depuis les réserves et frigos jusqu’à la cuisine. Les hivernants forment une chaîne humaine afin de faire passer les boîtes, cartons et autres bouteilles de manière efficace et rapide. Il n’est pas rare que les manips se terminent par des batailles de boules de neige... L’été, les manips vivres durent forcément plus longtemps et il y a également les manips inverses, pour remplir les frigos à partir des hélicos.





En parlant du ravitaillement…

Samedi 2 mai : Corentin, alias Coco le roux (pour ceux qui suivent son blog), presse le dernier citron de la base… Comme ça, sans prévenir ! Tout naturellement, je me suis juré de le haïr éternellement ! Bon, allez, disons plutôt jusqu’à ce qu’on reçoive de nouveaux citrons, c'est-à-dire en novembre, ce qui fait quand même 6 mois au total! On est loin de l’abondance de la Grèce et c’est dur ! 

Quelques jours après le drame, je fais néanmoins une grande découverte… Il y a un citron (un peu vieux mais tout à fait mangeable) dans le frigo à Glacio !! Il est actuellement toujours en otage/exposition à Biomar, maintenant sec et dur comme un caillou! Les négociations sont en cours quant à son obtention légale et définitive.

Plus sérieusement, nous n’avons plus que des pommes fripées. Je vous aurais bien invités à envoyer vos dons de fruits et légumes frais pendant l’hiver mais c’était impossible… Le seul qui pourra nous sauver est l’Astrolabe, dont la 1ère rotation arrivera autour du 1er novembre avec son lot de fruits & légumes australiens plus ou moins frais.

[Photos: Tiphaine Potiron & Stéphane Oros]

D'aillleurs, si vous souhaitez m'écrire ou m'envoyer plein d'amour par la poste, j'ai mis à jour le calendrier des dépêches postales dans l'onglet "Me contacter"! En résumé, la date limite est le 8 septembre pour une réception rapide à R0, sinon la limite c'est le 20 octobre pour R1 (je quitte la Terre Adélie à R2!).